Texte du sujet: "Souvenirs" - Sujet 3 : "Je me souviens, façon Perec"

Je me souviens du pain au noix qu'on dévorait en une journée.

Je me souviens du sable dans les pyjamas.

Je me souviens du walkman rose de Cécile, qui n’a pas fait long feu.

Je me souviens de Kafi, le Royal Bourbon qui nous a suivis dans les escaliers du sentier de Bélouve.

Je me souviens du chocolat chaud renversé sur la table, presque chaque semaine.

Je me souviens avoir cru au dahut longtemps.

Je me souviens des pierres friables qu’on prenait pour de l’or.

Je me souviens des Images Doc avec les pages jaunes.

Je me souviens du mûrier-platane en été et des coulemelles quelques mois plus tard.

Je me souviens du journal de Spirou, tous les mercredis matins, c’était la guerre avec mes sœurs et en général je le lisais en dernier.

Je me souviens que le Ti Car Jaune coûtait seulement soixante-dix centimes entre le Tévelave et les Avirons.

Je me souviens des sacs plastiques enfilés sur les mains pour ramasser les orties.

Je me souviens de quand j’aimais pas les aubergines.

Je me souviens du moment où j’ai appris le mot « alacrité ».

Je me souviens de ma première pluie tropicale.

Je me souviens de la maison cadeau, c’était une maison en forme de cadeau.

Je me souviens de quand j’avais peur du noir.

Je me souviens de quand une fille a découpé les manches de mon pull en CP.

Je me souviens de quand on devait nettoyer les têtes de lecture du magnétoscope avec des cotons-tiges trempés dans de l’alcool à 90.

Je me souviens de Pâques 2007 ou 2008, parce que Papa avait oublié une pièce en chocolat dans le jardin et on l’a retrouvée quelques semaines plus tard entièrement dévorée par les fourmis – sauf la partie en chocolat blanc.

Je me souviens de ma petite sœur quand il lui manquait des dents.

Je me souviens des après-midis entiers à faire des puzzles de 500 pièces puis les défaire puis les refaire.

Je me souviens écrire sur les murs.

Je me souviens des odeurs de l’usine à sucre.

Je me souviens de Madame Klein qui parlait anglais avec un accent créole, et de Monsieur Gabriello qui parlait allemand sans accent du tout.

Je me souviens du jus de pomme tout chaud, à l’automne, quand on rentrait sous l’orage.

Je me souviens de l’entraîneur de kayak crier « allez hop hop hop hop !! »

Je me souviens de la tête de Cécile quand elle a dessalé à cent mètres de l’arrivée.

Je me souviens de toutes les morts mais dans le désordre (chiens, chats, qui, quoi ?).

Je me souviens des lèvres de Romane « pour s’entraîner ».

Je me souviens de pourquoi je déteste les hortensias qui pourrissent en toute saison.

Je me souviens de la salle de bain avec du zamal qui sèche au-dessus de la baignoire.

Je me souviens de la constellation du dauphin.

Je me souviens des cercles de sel dans la forêt, quand j’y croyais.

Je me souviens étaler de la cendre sur mes écorchures parce que « comme ça cicatrise plus vite ».

Je me souviens des goyaviers par kilotonnes.

Je me souviens du portail toujours grand ouvert.

Je me souviens des chiens errants dans le sillage.

Partager

Submit to FacebookSubmit to TwitterSubmit to LinkedIn

Commentaires réservés aux utilisateurs inscrits.