Texte du sujet: Érotisme, sujet 3 : "Quand ça ne prend pas..."

Les deux amants étaient blottis l’un contre l’autre, sur le canapé. Des clips de MTV passaient à la télé.

« Tu vas aimer, tu verras » susurra Clémence. Paul n’en était pas vraiment sûr. « Tu verras », insista Clémence, « ça décuple le plaisir… ! »

Paul n’avait pas besoin d’un plaisir « décuplé », il était très satisfait comme ça, et n’aimait pas changer ses habitudes. Surtout de cette manière là. Dans sa famille, dans son milieu, personne ne se droguait… Il n’avait jamais essayé le moindre produit prohibé, ne buvait jamais d’alcool, n’avait même jamais sniffé de tube de colle. Le cannabis, drogue banalisée dans un peu toutes les strates de la société, n’avait pas réussit à atteindre sa famille traditionnaliste. Pas même dans les années soixante…

Si cette petite expérience s’apprenait, Paul subirait une disgrâce totale. Il serait peut-être déshérité. Ou pire… !

Clémence, elle, avait déjà tout testé, et la beuh, elle en prenait presque tous les jours depuis ses quinze ans. C’est vrai, trouvait-elle, que « ça décuplait le plaisir », et puis elle espérait que, sous l’emprise d’un produit, Paul aurait peut-être, qui sait, un peu plus de fantaisie qu’à l’accoutumée ? Car si, sentimentalement, elle était sur un petit nuage depuis leur rencontre, sexuellement en revanche, après trois semaines de relation, elle commençait déjà à s’ennuyer…

Clémence termina de rouler son trois-feuilles, l’alluma et aspira une longue bouffée. Elle en ressentit instantanément les effets, relaxants et désinhibants. Elle fuma en silence pendant quelques minutes, puis le tendit à son compagnon.

Paul l’attrapa avec maladresse, avala une longue bouffée de fumée, et toussa à s’en arracher les poumons. Clémence sourit – elle le trouvait tellement touchant… ! – et le rassura en lui caressant les cheveux. « Plus doucement, pour commencer. Tu dois garder la fumée un petit moment avant de la recracher. Oui, comme ça… Alors ? Qu’est-ce que tu ressens ? »

« Je… Rien de spécial, je. Mais. C’est agaçant un peu, c’est toi qui tourne sur toi-même, ou c’est juste le salon ?! »

 

*

* *

 

« Paul… » lui susurra-t-elle dans l’oreille, blottie contre lui dans son énorme lit. « J’ai envie de toi… »

« Je suis là.. ! » lui répondit-il… Avant de vérifier. « Suis-je là ? » se demanda-t-il, inquiet. Il se pinça le visage, « oui, je suis là… Mais est-ce bien moi ?! » il se redressa légèrement pour se regarder dans la glace à l’autre bout de la chambre, « oui, c’est bien moi. » Conclut-il intérieurement. Mais il se posait des questions absurdes alors qu’il devrait agir, AGIR, on attendait de lui qu’il assure, et lui il ergotait, « JE SUIS LA ET C’EST BIEN MOI ET JE VAIS BAISER COMME UN DIEU ! » hurla-t-il, avant de murmurer : « j’ai vérifié… »

Clémence rit de bon cœur. La première fois, c’est normal que ça fasse beaucoup d’effet. Elle avait peut être un peu trop dosé son trois-feuilles. Mais au moins niveau « ennuie au plumard », même si on pouvait oublier le romantisme, et de un, c’était drôle, et de deux, c’était bien la première fois qu’il annonçait vouloir être entreprenant et efficace…  

 

*

* *

 

« Tu le sens que je suis moi ? Je le sens que je suis moi. Ouh, je suis moi. OUH OUI JE SUIS MOI OOOH OOOH. Ah non. NON ATTEND. »

Paul arrêta de frotter son sexe contre la jambe de Clémence et s’assit en tailleur sur le lit. « Mais… Je suis moi d’accord, mais. Mais qu’est-ce qu’être moi… ? »

Clémence leva les yeux au ciel et pesta : « ça fait 4 fois que tu vérifies si t’es bien toi... Est-ce que tu comptes faire autre chose que te frotter comme un teckel, ça ce serait une question plus pertinente… »

« Un teckel. Oui. Je suis moi et je suis un teckel. C’est peut-être mon animal totem. Un teckel-totem. Un toteckel. AHAH. AHAH. AH. AHAHAHAHAHAH bordel c’est badant…. Putain t’imagines ? Oh putain, c’est badant, c’est tellement badant… »

Paul s’effondra en larmes. « Je veux pas d’un toteckel… C’est badant, les toteckels. Moi je voudrais un animal totem un peu plus VIRIL tu vois, comme le tigre ou la golf GTI ? C’est pas moi, ça, je suis pas un toteckel… »

« Non » soupira Clémence. « Calme-toi, respire, prend un verre d’eau… Tu n’es pas un to… Ah bordel… Un toteckel… »

« Merci, oh merci Clémence… Tu me soutiens, t’es là pour moi, puis t’es belle, même si t’es un peu floue et pixélisée aujourd’hui, et tu t’occupes de moi et et… Oh j’ai envie de toi Clémence je te veux de toute mes forces ! »

« Mouais je vois ça… » constata-t-elle, aux portes du désespoir. Paul se jeta sur elle et commença à frotter son sexe en érection le long de son bras gauche.

« BORDEL C’EST PAS FAIT POUR CA, PAUL ! ARRETE DE TE FROTTER PARTOUT ET FAIT DE TA PUTAIN DE BITE CE QU’ON ATTEND D’UNE PUTAIN DE BITE. PREND MOI PAR LA CHATTE ET S’IL TE PLAIT, QU’ON EN FINISSE… ! »

« La chatte… C’est ton animal-totem ?! J’aime pas les chats j’suis allergiques… » Paul débanda en une demi-seconde avant d’éternuer. « Les poils de chats et les acariens, je suis allergique. T’as vérifié les acariens ? Si ya des acariens dans le lit c’est normal aussi que je puisse pas faire l’amour convenablement. Ah c’est sûr à coup d’acariens c’est logique après de se toteckeliser ! »

 « Mais bordel pourquoi je persiste… » se demanda Clémence. « Pourquoi je ne laisse pas ce taré en plan jusqu’à la fin de sa vie ? Pourquoi il délire autant pour trois taffes de beuh ? Et pourquoi je l’aime, surtout, pourquoi je l’aime bon sang… »

« Mais les chats en même temps c’est des félins. Et les félins c’est sexy. Et toi aussi t’es sexy et… OH JE REBANDE. JE REBANDE. OH JE TE VEUX TELLEMENT QUE… »

« Ouais ouais c’est la cinquième fois que tu rebandes, débandes, rerebandes et redébandes et dans l’intervalle, tout ce que t’es capable de faire c’est de te frotter et de poser des questions débiles. On fera l’amour demain, bébé… Moi je vais pioncer sur le canapé… »

Clémence sortit de la chambre d’un pas lourd. « Pimenter sa vie sexuelle », quelle idée lumineuse elle a eu… En se retournant pour fermer la porte, elle vit fugitivement son homme se frotter frénétiquement contre son oreiller. Elle soupira. « Demain sera un autre jour » se dit-elle.

 

*

* *

 

Ils prenaient le café du matin dans la petite cuisine. Clémence était silencieuse, encore plus que d’habitude. Elle n’était jamais causante, le matin, mais là, c’était encore pire que d’habitude. Paul surmonta sa timidité et demanda : « Alors heu… Heu… Quelque chose s’est mal passé hier soir ? Je me souviens pas bien… » En fait, il avait tout oublié… Clémence éclata de rire. Un rire méchant. « Non non, c’était nickel. T’as fais l’amour comme un Dieu… » répondit-elle, avant de continuer en son for intérieur : « le dieu du frotti frotta frénétique option philo à deux balles… »

Paul attendit un long moment, avant de décréter : « Alors si ça t’as plu, je… Bon je suis pas trop d’accord avec ça, rapport à mes principes mais si VRAIMENT ça t’a plu alors je… Je peux recommencer avec la beuh…. »

Clémence  eut un petit gloussement nerveux et suraigu.  « Non, je... Non c’était vraiment trop, et… Non, tes principes justement c’est… Heu... C’est ce que j’aime le plus, chez toi. Hum. Oublie ça. Vraiment. Moi aussi je compte arrêter, d’ailleurs. »

« Comme tu veux » répondit Paul. « De toute façon franchement, ça m’a rien fait… Hey j’ai rêvé d’animaux totem cette nuit ! Et je me suis dit qu’un type qui choisirait le teckel, on pourrait appeler ça un toteckel ! C’est marrant non ? ahahah ! »

 Clémence le fixa et eut un haut-le-cœur. Elle avait tenté de passé outre cette nuit désastreuse,  mais qu’il commence comme ça dès le matin, c’était juste plus possible… « Paul. » dit-elle calmement. « J’ai essayé d’oublier… Mais là c’est la goutte d’eau. Toi. Ton toteckel. Et moi… C’est terminé… Définitivement terminé… Prend la beuh qui reste pour t’éclater avec une autre, et dégage, de mon appartement et de ma vie.. ! »

 

 

 

 

 

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AirellaRed
La chute me surprend, j'aurai vu quelque chose de moins brut. Mais en y réfléchissant , ça donne à l'histoire encore plus de réalisme. Chouette texte, je me suis marrée tout du long!
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